Vivre avec une maladie chronique entre 15 et 25 ans …

Le rôle des associations de patients par le Dr Camille Beaufils. Programmes à destinations des adolescentes et jeunes adultes dans les associations de patient : résultats de l’enquête JAP * (Jeunes, Adolescents, Patients)

Pourquoi ce travail ?
Il s’agit de mon travail de thèse. L’idée initiale est qu’il existe en France des programmes orientés vers les adolescents et jeunes adultes dans les associations de patients et que ces programmes sont souvent méconnus des soignants que ce soit à l’hôpital ou en ambulatoire. Or actuellement, la question de la transition devient de plus en plus centrale en pédiatrie et nous cherchons à mieux accompagner et préparer les ados qui vont être transférés vers les services adultes. Donc avant de mettre en place de nouvelles choses, il nous paraissait important de faire le point aussi sur les initiatives existantes en dehors du milieu hospitalier avec deux objectifs principaux : décrire ces programmes mais aussi s’inspirer de leurs expériences et expertises afin de proposer des actions attractives pour les ados et jeunes adultes au sein des plateformes de transition. Ces structures ont fait leur apparition en France depuis une dizaine d’année et visent à faciliter la transition, toute pathologie confondue, à travers des actions variées et dans un cadre différent des services de soin habituels.

Comment a été faite l’enquête ?
J’ai travaillé sous la direction du Dre Mellerio (ECEVE – Paris Diderot) et du Pr Belot (Service de Rhumatologie Pédiatrique – HFME – Lyon). Nous avons contactés plus de 55 associations de patients francophones, sans distinction de pathologies. Ces associations étaient invitées à remplir un questionnaire pour savoir si elles proposaient des actions spécifiquement pour les 15-25 ans. Nous avons pu interviewer au final 16 associations proposant des actions très variées pour les adolescents et jeunes adultes. Le protocole ainsi que les résultats de l’enquête sont disponibles ci-joint.

Et quels sont les principaux résultats ?
Le premier point à souligner est l’extraordinaire mobilisation des associations autour de ce projet : 75% des associations contactées ont répondu au questionnaire ce qui montre bien l’intérêt du milieu associatif pour ce genre de projet et leur souhait d’être entendu. Dans nos enquêtes, le taux de réponse habituel se situe plutôt autour de 30 à 40% maximum. J’ai même été contactée directement par certaines associations qui savaient qu’elles ne rentraient pas dans nos critères d’inclusion simplement pour me dire que les résultats les intéressaient.

Si on essaie de résumer ce qu’on a appris, voici les principaux points :

  • Les programmes qui existent sont très variés, tant sur leur forme (séjours, ateliers, groupes de parole, entretiens individuels, applications smartphone ou encore groupe facebook), que sur leur durée ou encore sur les pathologies auxquelles elles s’adressent. Toutefois la plupart des programmes restent spécifiques d’une pathologie ou d’un groupe de pathologie reliés par une technique de soins. Seuls deux des programmes étaient transversaux.
  • Les points forts soulignés sont la participation des pairs au programme en tant qu’intervenant mais également plus en amont dans la création des programmes de même que la flexibilité des programmes afin de s’adapter au mieux aux emplois du temps des jeunes.
  • Les problématiques restent nombreuses : difficulté à communiquer directement avec les adolescents pour promouvoir les programmes, problèmes de financement public et privés pour limiter la participation financière des familles, ressources humaines souvent limitées.

Et après ?
De ces interviews nous avons tiré 5 grands axes de travail qui, selon nous, devrait aider à créer des programmes au sein de nos plateformes de transition qui soient pertinent pour les adolescents et jeunes adultes :

  • La personnalisation: créer des programmes faits « sur-mesure » qui s’adapte aux besoins des adolescents en les incluant dans le processus même de création de ces programmes. A plus long terme elle passe aussi par une évaluation formelle et systématique des programmes afin de pouvoir rectifier les points qui ne correspondent plus aux attentes des patients.
  • La complémentarité avec les programmes existants : améliorer le dialogue entre les institutions et les associations permettra d’éviter les redondances, de reconnaitre l’expertise des associations dans leur domaine, de multiplier les possibilités pour les adolescents de trouver un programme qui leur convient. Cela doit passer entre autre par un référencement régional des initiatives des associations et non seulement national car il existe de nombreuses initiatives locales.
  • Construire des projets fait pour durer: assurer la pérennité des programmes pour ne pas qu’ils cessent un an plus tard faute de participation. Pour cela il faut que les programmes soient attractifs pour les ados, notamment par la participation et l’implication de pairs ou mentors mais également d’autres personnes de l’entourage du patient que ce soit des amis, des frères et sœurs ou encore des conjoints. L’attractivité passe également par l’utilisation de supports multimédias adaptés : applications, réseaux sociaux… Par ailleurs la communication reste un élément central pour le développement de ces programmes avec notamment la nécessité d’une information via les médecins référents des patients.
  • Des programmes articulés autour d’objectifs communs: favoriser l’autonomie, rompre l’isolement lié à la maladie, aider les adolescents à reconnaitre leur capacité afin de leur donner confiance et encourager leur prise d’indépendance progressive.
  • Savoir utiliser et valoriser les avantages des plateformes de transition: équipe pluridisciplinaire pré existante, contact direct avec les adolescents au sein des milieux de soin… tout en étant conscient des limites de ces plateformes notamment du fait de leur localisation directement au sein de l’hôpital.

Un premier pas vers une concrétisation de tous ces points est la publication de l’article reprenant l’ensemble des résultats de cette enquête dans les archives de pédiatrie cette année. Nous espérons que cela sensibilisera le milieu hospitalier à la nécessité absolue d’une communication accrue entre l’hôpital et les associations de patients.

A Lyon spécifiquement, une nouvelle plateforme de transition est actuellement en cours de création. Nous espérons qu’elle pourra s’inspirer des initiatives existantes dans la région mais aussi qu’elle sera un exemple de collaboration entre l’HFME et les associations de patients de la région Rhône alpes.


Docteur Camille BEAUFILS

Fellow en Immunologie Clinique et Rhumatologie Pédiatrique
CHU Sainte Justine – Montréal